Tempus fugit

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L’annonce il y a peu de la disparition d’un frère diacre, ordonné il y a quatre ans, me rappelle aux réalités de la condition humaine et aux questions que cela peut susciter. Michel était le doyen de notre groupe de diacres ordonnés dans l’archidiocèse de Paris pour l’Église catholique, mais encore jeune retraité. Il avait rapidement pris sa place dans sa paroisse d’accueil, assurant avec calme, fidélité et joie ses missions.

Mais ce n’est pas la question de sa mort en soi qui m’interroge : elle fait partie intégrante de notre existence et nous la comprenons comme l’étape finale ou bien le début d’une nouvelle selon nos croyances.

Ce qui pose question, c’est la manière avec laquelle nous tirons parti du temps que nous avons. En effet, puisque, par définition, nous ne savons « ni l’heure ni le jour » de notre fin de vie terrestre, nous partons du principe que nous avons le temps devant nous. Ce temps est pourtant bien compté. Et, sans tomber dans l’angoisse permanente d’une fatalité qui pourrait survenir à tout moment, nous pouvons avoir le souci de la manière avec laquelle nous l’employons.

Il ne s’agit pas d’ouvrir ici un nouveau débat sur la question de savoir si et comment notre temps est « gaspillé » car l’utilisation que nous en faisons est toujours subjective, c’est-à-dire propre à l’intérêt personnel que nous lui donnons.

Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer de cerner comment nous réussissons à honorer les attentes autour de nous dans nos contextes de vie. En d’autres termes, dans le temps qui nous est imparti, où nous avons constamment des choix à faire sur la manière avec laquelle nous l’employons, quelles postures choisissons nous d’assumer ?

Cette question s’applique sur un plan personnel tout comme dans l’exercice de la responsabilité managériale. Car, c’est une évidence de dire que nous préférons tous mener des activités qui nous plaisent, plutôt que celles qui nous mettent en situation d’inconfort. Nous pouvons même aller plus loin encore en relevant que nous mettre en permanence en situations d’efforts, nous conduirait inévitablement à une forme d’épuisement. Mais, sans aller jusqu’à l’excès du comportement héroïque, reconnaissons que nous sommes régulièrement confrontés à des situations qui font appel à notre courage :  confronter une équipe à ses responsabilités, affronter une crise avec un collaborateur difficile, rendre des comptes sur une gestion hasardeuse, reconnaître des erreurs, … etc. À chaque fois que nous osons aller à rebours de comportements qui contribuent directement ou, le plus souvent, indirectement à fragiliser des relations interpersonnelles, nous ne faisons pas seulement preuve de courage, voire d’audace. Nous choisissons de vivre en vérité en offrant le meilleur de nous même.

Ensuite, reconnaissons qu’il y a des missions que nous ne pouvons pas déléguer. En effet, il y a toujours des sujets qui relèvent, in fine, de notre responsabilité en dernier ressort. Cela commence par le management de soi avec l’attention que nous portons ou non aux besoins élémentaires du corps et de l’esprit. Cela se poursuit avec l’honnêteté vis-à-vis de  l’intrapersonnel, c’est-à-dire le souci que nous avons de garder une vision de soi la plus ajustée possible (ni dévalorisée, ni survalorisée) ; cela touche enfin l’attention que nous accordons à l’équilibre et le bien-fondé  de nos relations interpersonnelles.

Un comportement qui visera à « tenir » ces trois champs, sera vite remarqué et apprécié. Et la question du temps employé ou non à bon escient deviendra totalement obsolète car nous aurons alors l’assurance de répondre intégralement à ce pour quoi nous avons été appelés. Michel a répondu « Me voici » à son ordination et a bien vécu le temps qui lui était encore donné à vivre. Puissions-nous dans nos domaines respectifs, laisser résonner cette exclamation à chaque fois que nous recevrons des appels à agir pour une cause qui nous fera grandir !

L’intelligence artificielle : le nouveau manager expert ?

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L’année 2017 a été celle de la profusion d’articles et d’ouvrages de réflexions sur les progrès de l’intelligence artificielle. Les bouleversements induits par les avancées technologiques font bouger les repères et complexifient nos organisations. Cette tendance lourde ne se résume pas à une problématique de remplacements d’emplois par des robots. Depuis la révolution industrielle, nos sociétés sont en mutation permanente avec un phénomène de destruction-création d’emplois. Mais avec l’AI, une autre lame de fond se profile à l’horizon. C’est la génération massive de données de mesure sur nos vies quotidiennes et ses conséquence en termes de respect de la vie privée ; c’est également la perspective de bonds en consommation d’énergie pour stocker et gérer ces big data et enfin, c’est la question plus générale de l’autonomie du sujet dans un univers régi de plus en plus par des automatismes.

Un rapport récent de la CNIL (Commission Nationale de l’informatique et des libertés) intitulé « Les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle » essaye de faire le point sur la question en avançant 6 recommandations (Les Echos du 19 décembre 2017 – article de Benoît Georges) pour sensibiliser concepteurs (tous les acteurs maillons de la « chaîne algorithmique ») et utilisateurs (nous tous) au besoin important de clarté. Car il s’agit de ne pas sombrer dans le syndrome de la « boîte noire » selon lequel on sait qualifier les données entrantes et sortantes mais on ne sait pas rendre compte de ce qui se passe à l’intérieur, c’est-à-dire du processus conduisant au résultat observé. Ce qui confronte l’utilisateur à la question de la visée éthique qui sous-tend l’utilisation du service offert. A la différence d’une machine qui rend un service ou transforme une matière, l’intelligence artificielle est basée sur des algorithmes complexes qui ne sont pas naturellement compréhensibles et encore moins observables. Ils génèrent un certain résultat selon l’intention de son concepteur qui est ou n’est pas explicite.

 

D’ou la recommandation du CNIL de poser les bases d’une formation à l’éthique qui encourage toutes les parties à rendre compréhensible les intentions des nouveaux produits et services rendus possibles par l’IA.

 

En termes de management, la multiplication d’interfaces homme-machines ou les progrès de l’apprentissage automatique (machine learning) vont, par exemple, conduire à multiplier les situations de délégation de prises de décisions de plus en plus complexe. Nous l’avons vécu avec la généralisation des GPS. Nous avons développé des habitudes consistant à déléguer au programme le ou les choix d’itinéraire et à se laisser guider dans une posture de subordination de la pensée qui nous fait parfois perdre tout sens de l’orientation ou du positionnement.

Selon quels repères éthiques, allons-nous pouvoir déterminer le niveau de délégation auquel nous pouvons aller sans porter atteinte à l’autonomie et à la dignité de la personne ? Ayant tous un goût prononcé pour la rapidité et l’efficacité des décisions que nous prenons, il est à craindre que nous préférions laisser à l’IA le soin de décider pour nous ou de nous orienter sur des questions essentielles de recrutement, reconnaissance au travail, gestion des relations interpersonnelles. Avec, à la clé la tentation de diluer un peu plus notre part de responsabilité dans une décision qui touche le coeur de nos missions.

Le second champ de réflexion portera sur la qualité de nos rapports interpersonnels. Nous avons renforcé nos espaces d’individualité avec tous les nouveau outils numériques accessibles au point que l’on pointe maintenant des problèmes d’addiction, notamment aux réseaux sociaux, avec des effets sur le cerveau proche de la cigarette par exemple (lire dans les Echos du 20 décembre 2017, l’article d’Anaïs Mouton « l‘addiction aux réseaux sociaux, nouveau fléau de santé publique »). Nos points de vigilance seront alors dans notre capacité à savoir garder des liens interpersonnels bien réels et pas que virtuels ou à distance, dans la préservation d’un degré d’autonomie par rapport aux outils numériques, à commencer par le smartphone (no mobile phobia) et enfin dans la préservation de nos facultés à mémoriser ( » j’ai zappé « ), ) à raisonner ( » j’ai buggé « ) ou à résoudre de nouveaux problèmes ( » je suis paumé « ).

Comprenons-nous bien : le CNIL ne dit pas que, demain, seuls ceux qui sauront écrire des algorithmes survivront. Il nous invite à réfléchir pour trouver « comment permettre à l’homme de garder la main ? » En langage d’équitation, nous pourrions reformuler en disant: comment tenir notre sujet (l’IA) en « rennes courtes ». Peut-être en commençant par nous demander simplement ce que nous voulons comme monde de demain.

Joyeuses fêtes et à l’année prochaine !

The Bridge : retour d’expérience

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Nul doute que la traversée du Queen Mary II fin juin entre St Nazaire et New York a fait l’objet d’un suivi médiatique très fort et qu’il a suscité l’intérêt des acteurs de la presse mais aussi de l’évènementiel. Le créateur et organisateur de The Bridge, Damien GRIMONT, en a résumé ainsi les grandes lignes le 8 juillet : « THE BRIDGE, c’est également un événement composite, porté par la volonté de jeter des passerelles entre les univers et qui répond à la logique qu’ « un plus un égale trois ». Nous avons réuni le basket, la voile, la musique et l’Histoire avec le Centenaire du débarquement américain de 1917, autour du Queen Mary 2. » Nous pouvons ajouter à son propos que cette triple dimension sportive, historique et culturelle a aussi créé les conditions d’une rencontre entre acteurs du monde de l’entreprise favorisant un véritable espace de réflexion sur les conditions du travail dans le monde de demain. Décryptage.

Qu’est-ce qu’un événement composite ?

La communication événementielle est une technique de communication basée sur la création d’un ou plusieurs événements sortant de l’ordinaire et à l’occasion desquels un public cible est généralement convié. Elle repose donc sur la promotion d’un produit ou service particulier. Dans le cadre de The Bridge, le projet a été pensé selon une approche multi catégorielle. Le point de départ était un évènement historique dont il s’agissait de faire mémoire. Mais rapidement les organisateurs ont greffé autour des sujets d’intérêt actuels susceptibles d’attirer du monde : le sport, la culture et le monde de l’entreprise. Il est rare, voire inédit de réussir à obtenir une telle convergence d’éléments médiatiques.

Le succès de l’opération a été rendu possible ensuite par la coopération d’acteurs clés dans chacun des domaines concernés : l’armateur CUNARD qui a accepté en saison haute de mettre à disposition son paquebot phare pour l’évènement, des navigateurs de renom (François GABART, Thomas COVILLE, Francis JOYON, Yves LE BLEVEC) qui ont relevé le défi d’une course transatlantique, la Fédération Française de Basket et la ville de Nantes qui se sont associées à l’événement en organisant des championnats mondiaux de basket à trois sur 4 jours.

Mais les bénéficiaires directs de cette opération sont incontestablement les membres du Club des 100 qui ont été les témoins d’un évènement spectaculaire mais surtout qui ont, au cours de la traversée, pu être les acteurs privilégiés d’une réflexion approfondie sur les conditions d’exercice de la responsabilité managériale dans le monde de demain. 4 versants d’un exercice atypique de prospective ont été abordés : la géopolitique, le réchauffement climatique, la techno science et le rapport à soi et aux autres. Ce que nous pouvons en retenir du point de vue du management se résume en trois points :

Accompagner un changement de civilisation

Le monde de demain verra un renforcement des sources de conflits potentiels du fait de l’augmentation de la population mondiale et de la raréfaction des ressources naturelles. A titre d’exemple, citons un rapporte de la Banque Mondiale qui a récemment alerté sur les conséquences en termes de prélèvement en métaux qui seront nécessaires pour accompagner la transition énergétique. Le rapport montre clairement que la composition des technologies supposées alimenter le passage à une énergie propre – éolien, solaire, hydrogène et systèmes électriques – nécessite en fait significativement PLUS [sic] de ressources que les ­systèmes d’alimentation en énergie traditionnels », écrivent les auteurs qui se sont penchés sur trois grandes technologies renouvelables : l’éolien, le solaire et les batteries de stockage d’énergie (1).

 L’emballement de l’histoire et l’installation d’un ethos de post-modernité nous conduit à qualifier notre époque comme étant celle d’un changement de civilisation. Le mot clé sera la résilience ou la capacité à s’adapter au nouvel environnement que nous allons connaître. Le management n’échappera pas à cette remise en question. En particulier dans sa capacité à repenser les structures et outils du pouvoir et en favorisant le dialogue et la co construction. L’enjeu pour le manager sera son humilité et sa capacité à établir avec des personnes différentes de la réciprocité.

Évaluer l’impact de la technoscience sur nos libertés

La transformation du rapport à soi et aux autres du fait de la technoscience va être immense. Nous avons eu l’habitude de penser notre rapport aux machines selon la modalité maître-esclave qui nous donne le sentiment du contrôle absolu sur le résultat final du travail réalisé par la machine. Avec les objets connectés par exemple, une transformation profonde et à notre insu du rapport à la technologie s’instaure. Nous allons être de plus en plus entourés d’objets qui recueillent des informations sur nos habitudes, nos réactions, nos comportements. En utilisant toujours plus ces objets connectés, nous allons devenir tributaires de choix et d’orientations qui nous seront de plus en plus imposés. Comment allons-nous réagir ? Quelles stratégies de défense pourrons-nous mettre en place si nous voulons préserver une marge de latitude décisionnelle ? Sur le plan managérial, c’est l’autonomie de la personne qui est en question et la gestion de son emploi du temps. Il est urgent de réfléchir aux conditions d’exercice de la responsabilité managériale qui respectent les principes d’autonomie et de libre arbitre de la personne. Lire à ce sujet l’excellent ouvrage du psychiatre et psychanalyste Serge TISSERON « Le jour où mon robot m’aimera » (Albin Michel,2015).

Se préparer à l’advenir

« L’avenir ne se prévoit pas : il se prépare » : la célèbre phrase du philosophe Maurice BLONDEL nous conduit à nous poser 5 questions en management de soi pour préparer cet avenir.

Première question : qui suis-je ? C’est le préalable à toute réflexion sur l’avenir. On pourra reprendre avantageusement l’image de l’arbre. Les racines sont l’ensemble de nos compétences acquises dans notre passé (notre histoire). Le tronc est le corpus de nos savoirs, savoir-faire et savoir-être que nous déployons dans le présent. Les branches et les feuilles constituent le champ de valorisation de tous nos savoirs qui nous reste à valoriser.

Deuxième question : que peut-il raisonnablement m’advenir ? C’est l’inventaire des opportunités et risques que nous connaissons. Cette question nous invite à être préactif, c’est-à-dire à prendre du temps pour évaluer les risques et valider les opportunités.

Troisième question : que puis-je faire ? Dans le temps qui m’est imparti et compte-tenu des moyens dont je dispose quel est mon volant d’action, quelle est ma marge de manœuvre ?

Quatrième question : que vais-je faire ? C’est le moment du choix, de l’orientation décisive. C’est le kaïros où nous pouvons être proactif et audacieux.

Cinquième question : comment le faire ? C’est le temps de la réflexion stratégique qui vise à maximiser les chances de succès de nos projets.

En débarquant à New York le 1er juillet, chacun porte en lui-même ces 5 questions fondamentales qui peuvent se résumer en une seule : « Et maintenant on fait quoi ? ». Pour tous ceux qui ont été les témoins privilégiés de cet évènement, cette question n’est pas à prendre à la légère. Elle renvoie à la responsabilité individuelle de celui ou celle qui, ayant beaucoup reçu, se doit de prendre sa part dans l’immense tâche qui vise à préparer le monde de demain : un monde vivable c’est-à-dire qui donne la primauté au vivant sous toutes ses formes. Il nous faudra du courage et de l’audace à l’image de ce que nous a démontré toute l’équipe organisatrice de The Bridge 2017.

(1) En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/030454538803-metaux-les-besoins-colossaux-de-la-transition-energetique-2103122.php#tvGUxWqy6OLD01gs.99

 

The Bridge : this is it !

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Nous sommes à J-7 de l’embarquement et du départ de cette course folle entre 4 trimarans ultimes (ACTUAL, IDEC SPORT, MACIF, SODEBO), véritables bêtes de course des océans et le Queen Mary II, célèbre paquebot de la Cunard jaugeant 145 000 tonneaux (345 mètres de long) et pouvant accueillir jusqu’à 3000 passagers à bord.

Mais l’évènement à Nantes vendredi 16 juin, c’était l’ouverture de la 4e coupe du monde de basket à 3.  Rappelons que le basket-ball dans sa forme traditionnelle se joue à 5 sur un terrain de 28 sur 15 mètres et avec 2 paniers suspendus à 3,05 mètre de hauteur. Le basket en version 3×3 a été lancé en 2011 et se joue sur un demi-terrain par parties de 10’ ou bien dès qu’une équipe atteint 21 points. En cas d’égalité après 10 minutes, le vainqueur est la première équipe à marquer deux points.

Le jeu démarre quand l’équipe en défense donne la balle à l’équipe offensive derrière l’arc. L’enjeu est de pouvoir garder le ballon et marquer sans faire de fautes. L’intelligence collective du jeu réside donc dans la capacité des équipes à alterner cette posture offensive et défensive de manière fluide.

En management nous alternons aussi les positions offensives et défensives selon les situations qui se présentent ; nous sommes à l’offensive lorsque nous constituons l’équipe et que nous cherchons à lui donner une unité, une cohésion. Notre management est directif, nous sommes au « contact » pour susciter l’intérêt et l’engagement. Nous sommes encore à l’offensive lorsque nous conduisons un processus de changement par l’introduction de nouveaux outils ou la redéfinition d’un objectif.

La posture défensive correspond aux moments de crise où l’on est face à l’imprévu: une communication mal reçue ou une incompréhension qui génère un moment de tension. Selon notre type psychologique, nous sommes plus ou moins bien armés pour gérer ces moments. La connaissance de soi nous aidera à savoir doser l’énergie que nous devrons engager. Le bon manager est celui qui, en défensive, sait passer le ballon à son coéquipier pour avoir un instant de répit et se préparer à l’étape suivante.

Le Bridge 2017 est un pari qui s’inscrit dans une stratégie résolument offensive : celui de rassembler entrepreneurs et professionnels pour réfléchir à ce qui se passe dans notre éco système actuel et dégager les nouvelles lignes de forces du projet d’entreprises.

Mais pour l’heure, ici sur l’île aux machines du port de Nantes, c’est place au basket et au challenge des tenants des titres mondiaux 2016 masculin et féminin. Vous ne devinerez d’ailleurs jamais quel pays est le détenteur dans la catégorie équipe masculine : il s’agit du Quatar !

À suivre.

Jean-Christophe Normand                                                                                                             RH-INC au service des intelligences multiples

L’évènement The Bridge est à J-30

L’entreprise de demain ? Quelles formes d’organisation ?   Quels types d’acteurs et avec quelles finalités ?

Autant de questions pour lesquelles, que nous mettions le curseur à 3, 5 ou 15 ans, la recherche de réponses se révèle être d’une difficulté consternante. La question n’est pas de savoir s’il y aura encore du travail pour tous. Elle est de donner un visage aux organisations humaines qui rendront la collaboration encore possible dans un environnement dominé demain par l’intelligence artificielle.

Prospective à horizon 2030

L’ICF tenait le 13 mai dernier son forum du printemps sur « l’avenir du travail et les grandes évolutions du monde professionnel d’ici 2030 ». Nous étions en plein dans le sujet qui alimentera les discussions entre entrepreneurs et dirigeants à bord du Queen Mary II qui embarqueront à partir du 23 juin, dans le cadre d’un évènement unique : The Bridge 2017

 

Voici des extraits de quelques points de vue saillants.

 

Le point de vue du philosophe

Pour le philosophe André COMTE-SPONVILLE, le changement ne peut se penser que par rapport à quelque chose qui reste soi-même. Ce qui revient à dire que le travail a été, est et restera toujours pareil à lui-même : une activité intrinsèquement pénible (au sens source de fatigue physique et/ou psychique) et dont la baisse régulière du temps consacré peut être logiquement considérée comme une bonne chose. Comme le soulignait déjà Aristote, le travail tend au repos et non l’inverse. Moins de travail, c’est plus de temps pour les loisirs, la culture, l’éducation. Mais cela reste vrai à une condition essentielle : que la réduction correspondante ne remette pas en cause le niveau de vie. Ou, en d’autres termes que la productivité horaire permette à minima de produire la même richesse. Or, les inégalités socio-économiques croissantes que nous observons, montre que ce lien n’est pas automatique et que des pans entiers de population ont certes, beaucoup de temps libre, mais pas de revenus en face pour vivre normalement. Première difficulté : comment à minima maintenir le niveau de richesses produites aujourd’hui dans un contexte de pression démographique qui va se maintenir au moins pour 30 ans encore. Une éternité à notre niveau.

La crainte des économistes

Certains économistes expriment la crainte généralisée d’une fin du travail avec une logique de substitution de main d’œuvre par des outils numériques intelligents. Ce n’est pas le cas de l’économiste et fondateur d’un cabinet de prospectives économiques et financières,  Pierre SABATIER, qui remarque que les pays les plus robotisés (Allemagne et Japon) ont des taux de chômage bien inférieurs à la France. Il y a bien effet de substitution par création de nouveaux métiers et services mais il souligne que les emplois qui restent sont, ou bien très chers (experts), ou bien à des salaires très bas (services à faible valeur marchande vs haute valeur sociale). D’où l’émergence de tensions et de conflits structurels entre ceux qui empochent tout (« Winner takes it all ») et ceux qui survivent (« losers »). C’est le deuxième accroc dans la pensée du travail de demain.

La rupture technologique

Le bouleversement technologique est le 3e axe de la réflexion. Il faut écouter des experts en innovation comme, Nils AZIOSMANOFF fondateur du Centre de création numérique le Cube, pour prendre la mesure de l’accélération prodigieuse des progrès de la technoscience. Nous allons à toute vitesse vers des machines autonomes, emphatiques, auto conscientes et auto apprenantes. Vouloir rivaliser avec de telles puissances de calcul est perdu d’avance, sauf à se transformer soi-même en cyborg en suivant les rêves les plus fous des transhumanistes. Ce serait alors la fin de l’humanité telle que nous la connaissons (6e extinction de masse ?).

Toujours plus d’incertitudes

Nous comprenons en définitive que, si chacun tente à sa manière de donner un éclairage sur la question du lien au travail qui prévaudra à l’avenir, personne n’est en mesure d’en dresser un portrait clair. Et c’est sans doute une bonne chose. Rien de plus dangereux que des certitudes absolues. En réalité, nous prenons conscience que nous allons devoir forger une nouvelle représentation de notre rapport aux autres. Un monde où nous travaillerons dans le « tous pour tous » (Pascale LUCIANI, PDG de NEOXPECTIVE et membre du Conseil National du Numérique), selon un « altruisme rationnel » (Jacques ATTALI) qui réinvente en permanence la spécificité de l’humain. Nous mesurons bien la complexité, le flou de ces concepts. Il va nous falloir un beau mélange de pragmatisme, d’audace, d’agilité et la créativité car les solutions de demain ne sont pas encore pensées. Bonne nouvelle : nous prenons le grand large à bord du QM II pour en débattre bientôt. Rendez-vous au lounge !

Êtes-vous prêt à embarquer ?

Et si l’entreprise de demain se préparait du 25 au 30 juin 2017 ?

Dans le contexte volatile et incertain qui est le nôtre, le pari de vouloir dresser le portrait de l’organisation modèle de l’avenir n’est-il pas utopique ? C’est pourtant bien le projet fou de The Bridge 2017 : faire traverser l’Atlantique Nord à plus de 1000 professionnels de tous secteurs pour dialoguer et travailler sur la façon avec laquelle l’entreprise va pouvoir appréhender les enjeux humains, géopolitiques, économiques, technologiques et environnementaux de notre temps.

Approfondissons…

Tout est parti du rapprochement avec une date : 1917, le 6 avril exactement, le président Wilson obtenait du Congrès américain l’autorisation de déclarer la guerre à l’Allemagne, prélude à l’arrivée en France de plus de 2 millions de «Sammies» via les ports de Brest et Saint Nazaire. Ils introduisent des changements sociétaux importants, notamment sur les plans de la musique (jazz) et du sport(basket). The Bridge 2017 est un rappel du caractère historique de cet évènement et une manière d’honorer cet engagement des Etats-Unis qui bascula le rapport des forces sur le front occidental.

En 2017, les batailles à mener ne sont plus les mêmes : les lignes de front ont bougé et elles ont pour nom des acronymes courants comme NBIC, VUCA, GIEC, BREXIT, … Elles interpellent nos entreprises et leurs collaborateurs en exigeant d’eux de nouvelles réponses sur les plans organisationnels et humains. Ce sera l’objet de la traversée de 6 jours à bord du Queen Mary II, spécialement affrété pour l’occasion. Pour «escorter» le majestueux paquebot, rien de moins qu’une armada de 17 pays entre Cherbourg et St Nazaire, puis 4 trimaran, véritables bolides des mers, qui couperont la ligne de départ le 25 juin à 18h et suivront (devanceront ?) le QMII jusqu’à New York.

À bord, l’ambiance sera à la fois conviviale et studieuse. Pas question de renvoyer l’image d’une «croisière qui s’amuse» : elle sera tout sauf coupée de la réalité des temps présents avec, à bord, plus de 70 experts offrant une incroyable diversité de savoirs et points de vue dans le cadre de conférences, ateliers et repas thématiques, avec des phases de speed dating et de débrief. Car l’objectif est pour tous ces chefs d’entreprise qui embarquent de faire bouger les lignes de leur vision du monde : comment naviguer demain dans ce nouvel univers étrange rendu perméable à l’intelligence artificielle, avec quelles cartes ou GPS désormais peut-on se repérer, quels changements sur le plan comportemental feront demain la différence pour s’adapter soi et à l’autre ?

Il est encore temps de prendre votre billet et de retrouver fin juin les quelques 120 entreprises qui ont choisi de saisir cette opportunité et de préparer leur avenir. Je vous y retrouverai avec grande joie.

Pour embarquez à bord du QM II du 23 juin au 1er juillet 2017, cliquez ici

Bridging the gap between training and effective business impact through Coaching ROI®

How can the Coaching ROI® methodology change paradigms in terms of getting a payback on training programs ?

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The Coaching ROI methodology offers daring perspectives for individuals and organizations seeking to to obtain effective and lasting ROI on training budgets.  A recent case study (CROI Executive Statement_HTCo2016 – JC Normand, December 2016) supports evidence that coaching sessions in the footsteps of a learning or training program can really make a difference in getting  a measurable business impact.

Coaching ROI®

Coaching ROI is based on a 4-phase process, each step requiring validation before moving on to the next one. In Phase I (“Engage”), it is essential that the coachee commit himself to the partnership with the coach: accountability, resolve and ownership of the coaching program. At stake are the time and effort required for the change process to happen. Phase II (“Invest”) is the operating time of the coaching. It includes the goal setting part: usually there is both a quantitative (hard facts) and a qualitative aspect (soft skills) such as managing priorities more quickly, taking risks/assertiveness (reinforcing leadership), staying focused on key issues (awareness). Phase III (“Evaluate”) includes a formal 360 evaluation with feedback obtained from peers and manager and the delivery of a documented report converting results to monetary value and the subsequent calculation of an effective Coaching ROI. Finally Phase IV is a communication phase designed to encourage further the process.

Outcomes

The case study covered the post-training coaching of a middle manager responsible for the development team of a new information system and secured communication network for hi-tech industries. The coaching was focused on the development of his transverse management skills.

The 360 evaluation after 3 months coaching indicated significant progress in  4 behavioral criteria : accountability, assertiveness, effectiveness and prioritization. The ROI calculation on the impact of the coaching was validated by the coachee at 135% i.e. for very 1€ invested in training  and coaching, the organization saved 0,35€.

Learnings

We need to reconsider in depth how we consider the effectiveness of training programs. If we continue to focus just on the content and the experience of the facilitator, we may well continue to fall short of the investment paybacks expected. By directly merging coaching  to learning programs, we are placing the focus on the implementation rather than the comprehension phase. We are nurturing the trainees sense of responsibility and hyping his/her motivation to apply the learnings and be able to generate effective progress. If we can promote on a wider scale this deeper version of blended learnings, we could be very close to a major shift in training and educational strategies. Simply because effective and measurable results would finally be available to support both fundings and motivation of trainees.

Moving up the ladder of consciousness. Applicable in management ?

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How do we move as individuals from self-interest to contributing to common good? And what does it take for organizations to raise their levels of consciousness towards servicing not just clients, but humanity? It is taken for granted that moving from an individualistic, self-centred approach to a selfless service attitude dedicated to social responsibility, compassion and humility is a constructive and mature pathway for the development of the human consciousness.

However, this would-be “natural” movement of the inner heart seems to be heavily context related. In other words, it is dependent on the satisfaction of profound physiological and psychological needs. Should an overwhelming sense of insecurity prevail, the individual has a stronger chance of restraining his engagements rather than openly letting go of his fears to demonstrate higher levels of consciousness. Presumably the same can be said about organizations.

At a macro level, this has seemingly been demonstrated by the recent shortfalls in the political rhetorics of significant western democracies. We are witnessing the temptation to review established relationships and to seek new forms of security and stability through isolation strategies. This will inevitably impact also organizations and management attitudes. Because behaviours are built upon values and beliefs that are context-based.

A key step to avoid falling into the trap of the mimetic theory well known since the 1990’s by late philosopher and teacher René Girard, is raising awareness of what is going on. In organizations, just as at individual levels, this is possible if it can be evidence based.

The Barrett Values Centre (BVC) has developed an expertise in measuring the degree of fragility of individuals, organisations and community/society by assessing cultural values (CTT or Cultural Transformation Tool). It believes that value-driven individuals and organizations have higher chances of creating connection and trust, two key factors of cooperation and goodwill. By comparing the alignment (or misalignment) of current values vs desired values, it delivers specific insights in terms of motivation, cohesion and engagement that require strong leader behaviour attention.

When interviewed, most managers explicitly place on-going improvement and employee participation (accountability, teamwork, continuous improvement) as their key focus area. Very few succeed to take their teams beyond what Richard Barrett defines as the 4th level in the evolution of consciousness. Generally, because too little emphasis is placed upon the sense of purpose and service of their organization and shareholder value is overemphasized.  For example, in 2016, according to Goldman Sachs (1), an estimated 1.038 billion US dollars will be allocated to dividends and share buyback programs by US firms, while only 670 million (excluding R&D spending & acquisitions) will go to investments. Other organizations lack a common understanding of who and what they stand for and fail to have an open dialogue on how to reinvent themselves (Air France KLM group for instance).

So how can the CTT help us here? By providing a clear picture of an organization’s current values, it avoids one of the most common pitfalls in culture change: implementing a new strategic policy based on values dissonant with the present culture. The people who devise these policies are clearly intelligent and highly experienced. However, because they lack the understanding of what the real culture shared by their employees is, they cannot hope of obtaining the coordinated and efficient responses they are expecting from their teams. By the time, they realise the gap, it’s too late and competition has moved ahead taking with it the market value.

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But the CTT’s ambition is not just to help CEO’s and their BODs avoid making mistakes and generating further cash. A glance at the seven-level scale (2) of consciousness that supports the model, clearly shows there is a commitment towards making progress in the collective understanding of the evolution of human consciousness. The CTT model provides the groundwork for what R.Barrett calls “evolutionary coaching” with the theory and subsequent exercises to help leaders and their teams figure out where they stand in terms of primary motivation. And by challenging these motivations and reviewing the educational and cultural conditioning that back them, the belief is that it is possible to break away from the mimetic temptation of the dominant forces that drive today’s political & economic world.

If we are to believe in the fact that customer satisfaction is directly correlated with employee satisfaction which itself is the result of satisfactory interpersonal relationships with management, it must be possible to prove that rising the levels of consciousness in an organization can make a significant difference to improve the world we live in. Such is the project underlying the Barrett Value Centre. A common sense approach to tackle today’s multiple challenges.

 

(1) Les entreprises américaines face au défi de la faible productivité in LesEchos Finance & Marchés 23/11/2016

(2) https://www.valuescentre.com/our-products

Passer de la coopération en équipe à la collaboration de l’organisation

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La modélisation et l’apprentissage de nouvelles pratiques managériales conduisent à explorer sans cesse de nouvelles manières de penser la relation au travail. Cet effort est rendu nécessaire par la complexification croissante des organisations et de leurs environnements de telle sorte qu’il n’est plus possible de vouloir fixer une fois pour toute les comportements attendus des managers selon un modèle d’organisation donné. Avec l’apport des outils des NTIC qui ouvrent de nouveaux champs de travail en réseaux, cette problématique est encore accentuée. Finalement, c’est toute la question de la forme du travail en équipe qui est réinterrogée.

 

Dans sa forme la plus élaborée, le travail en équipe fait appel à deux composantes importantes : la capacité à coopérer et à se coordonner. Mais, si les deux compétences sont engagées, est-ce suffisant pour pouvoir affirmer que l’équipe fonctionne bien dans le sens d’une réelle collaboration entre ses acteurs ?

L’étymologie latine des trois notions permet de mieux distinguer leurs spécificités propres.

« Coopération » est composé de « co » (ensemble) et « operator » (produire, effectuer). « Coordination » est l’association des mots « co » (ensemble) et « ordinare » (mettre en ordre, ranger). « Collaboration » se décompose en « cum » (avec), « laborare » (travailler), suivis du suffixe lexical « ation ». Nous comprenons ainsi qu’il y a une spécificité propre à chaque terme. Coopérer consiste à se réunir ensemble en vue d’une action déterminée. Nous retrouvons là un des éléments structurants définissant l’équipe.  La coordination est une autre compétence qui repose sur des qualités d’observation et de répartition des tâches. La collaboration se différencie des deux par le fait qu’elle ne fait pas référence à l’action mais au processus de réalisation collective du travail. Il y a donc une forme de gradualité, selon laquelle coopération et coordination seraient des étapes préliminaires et nécessaires à l’émergence de la collaboration.

 

Klara Kövesi, docteure en sciences de gestion et enseignante en management des organisations, de l’innovation et le marketing des nouvelles technologies à l’ENSTA Bretagne, apporte dans sa contribution à une publication récente sur la problématique de la modélisation des activités managériales dans des outils de formation (serious game)[1], un éclairage pertinent sur l’originalité de la dimension collaborative du travail. Elle reprend l’approche de Jean Heutte[2] qui différencie coopération et collaboration en relevant trois composantes[3] :

–       L’influence de chaque membre de l’équipe sur la définition et le déroulement des actions

–       La manière avec laquelle ils assument leur responsabilité par rapport à l’objectif commun

–       La qualité de la relation interpersonnelle.

Le processus ainsi décrit indique une progression dans la maturité de l’équipe. Si l’organisation du travail en équipe est souvent bien formalisée et partagée (selon une logique permettant la rationalisation et la bonne attribution des tâches), il n’est pas rare que les acteurs manquent de visibilité et d’influence sur les tâches des autres membres de l’équipe. Or cette situation restreint l’implication et la motivation personnelle. Les tâches se juxtaposent mais ne se croisent pas. La hiérarchisation et la division fixe du travail empêchent l’élargissement des contributions individuelles à la dynamique de l’engagement en commun. La responsabilité assumée en processus coopératif suit cette logique de division du travail et ne permet pas une vue d’ensemble, c’est-à-dire cet engagement mutuel recherché. Enfin la communication est souvent a-synchronisée et fragilisée par la gestion des conflits.

 

On constate ainsi qu’une organisation du travail selon un mode collaboratif, présuppose une nouvelle forme de partage des compétences (mutualisation) et de nouveaux apprentissages sur le plan relationnel (relation égalitaire, primauté à la compétence, self manage). L’acquisition de ses compétences ne va pas de soi et l’efficacité globale de la collaboration des équipes n’est pas toujours lisible sans l’aide du regard externe d’un coach qui saura interroger les pratiques pour aider l’équipe à mesurer les résultats obtenus. En aidant l’équipe à professionnaliser sa méthode de travail, le coach renforce la confiance qu’elle a en elle-même et donc la motivation et l’engagement mutuel des membres. Dès lors, le résultat de cette équipe n’est plus la somme de compétences ou du travail individuel de ses membres, mais la valeur ajoutée résultant de l’intelligence collective mise au service du projet. La pratique du travail collaboratif débouche ainsi sur une logique de réciprocité vertueuse : plus l’individu collabore au sein de son équipe en vue de l’objectif à atteindre, plus la cohésion et la solidarité entre les membres en sort renforcée, ce qui entretient naturellement la motivation à poursuivre le travail collaboratif. C.Q.F.D.

[1] La modélisation des activités managériales au défi de la formation sous la direction de Emmanuel Cardonal Gil et Denis Lemaître, Ed. L’Harmattan, collection Action et Savoir, 2015
[2] Jean HEUTTE, Université des Sciences et Technologies de Lille -1, Département Sciences de l’éducation
[3] ibid. Chapitre 8, l’apprentissage du travail collaboratif dans un environnement virtuel : pour mieux comprendre les nouvelles pratiques collaboratives, page 203,

Coaching interne et mentoring : quelle supervision ?

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Le développement du coaching interne et la pratique du tutorat (mentoring) est en croissance dans toutes les organisations et, sur le fond, c’est une bonne chose car elle traduit une progression de la maturité des organisations sur plusieurs plans : une meilleure prise en compte des soft skills dans l’échelle des compétences managériales, une responsabilisation croissance des managers sur la qualité des liens interpersonnels qu’ils établissent avec leurs équipes, l’émergence d’une culture organisationnelle qui place l’humain au cœur de son développement.

Mais si les organisations ont étoffé leurs ressources, quels sont les outils et les méthodes préconisés pour réguler ces missions ? Plus précisément, quel est le niveau de formation et de supervision des acteurs en place ?

Rappelons que la déontologie en matière de coaching de personnes met l’accent sur la formation continue mais aussi sur l’importance d’un suivi régulier des praticiens par un professionnel exerçant la responsabilité de superviseur. Un Code de Déontologie Commun s’appliquant à l’ensemble des acteurs du métier d’accompagnement (donc également les superviseurs) a été proposé en février dernier par l’EMCC (European Mentoring & Coaching Council) avec l’AC (Association for coaching). Parmi les sujets couverts, figuraient l’excellence de la pratique avec deux exigences : le professionnalisme (capacités et formation continue) et la supervision individuelle et/ou collective.

Par supervision, il faut entendre une relation régulière avec un superviseur qualifié ou un groupe de pairs à une fréquence adaptée à la pratique du coaching ou du mentorat. Ces rencontres doivent permettre de discuter avec son superviseur de « tout problème éthique réel ou potentiel ainsi que de toute infraction au présent code (…) pour obtenir leur assistance et leurs conseils ». Une étude conduite[1] au premier trimestre 2016 auprès d’une population de 518 coaches professionnels répartis dans 32 pays indique que 65% d’entre eux ont recours à de la supervision au minimum une fois par mois. Une tendance en progression puisque l’étude cite également un rapport de 2006 du CIP (Chartered Institute for Personal Development) notant que seulement 44% des coaches sondés pratiquaient régulièrement une forme de supervision (individuelle ou collective).

Mais, avec l’élargissement des pratiques en matière de coaching et de mentoring (au point de pouvoir parler d’une « Culture Coaching »), la question de savoir qui est supervisé et comment est alors d’autant plus d’actualité. Si nous écartons d’emblée la problématique du coût, surtout pour les professionnels agissant en qualité de coaches ou mentor internes aux organisations, il nous reste la question de la motivation. Plus précisément qu’est-ce qui pourrait dissuader les professionnels à mettre en place une pratique de supervision régulière ?

Le sondage de 2016 cité précédemment, nous offre une piste de réflexion intéressante.15% des coaches sondés déclarent avoir eu des difficultés à aborder en supervision certaines situations difficiles ou,  s’ils l’ont fait (5%), ils n’ont pas été satisfaits du travail réalisé avec leur superviseur. Il semble que, derrière ces résultats, se situent des questions de confiance, voire de manque de transparence volontaire par crainte de la réaction de son superviseur. Le fait de « déballer » un processus défaillant, d’en faire ressortir ses incohérences ou ses manquements peut être un exercice difficile pour le praticien du coaching et/ou du mentoring, surtout s’il a accumulé de nombreuses années d’expérience. Se protéger d’un regard sévère voire déstabilisant peut devenir une stratégie de défense, mais malheureusement au détriment du client final.

Or le code de déontologie de l’EMCC précise bien qu’une bonne ligne de conduite professionnelle est celle qui protège le client contre toute forme d’atteinte à son intégrité physique, morale, ou intellectuelle. C’est tout l’enjeu d’une supervision appliquée avec une rigueur professionnelle. Car, d’autres études conduites ces dernières années, confirment cette difficulté des professionnels à trouver un espace de supervision où ils puissent se sentir suffisamment en sécurité (empathie, bienveillance, soutien) pour faire grandir leur pratique. Les réponses viendront certainement d’un renforcement des cursus de formation de superviseurs et on peut raisonnablement penser que les coaches et mentors externes trouveront progressivement leurs marques pour se renforcer.

La question est plus délicate pour les acteurs internes aux organisations. Quel sera le niveau d’exigence en matière de respect d’un code de déontologie pour leurs employés qui n’exerceront que rarement à temps plein, l’activité de coach ou de mentor  ?  Il y a là très certainement un champ de réflexion critique pour s’assurer du bon développement des futures compétences individuelles et collectives des organisations pratiquant le coaching et/ou le mentoring. Il devra couvrir à la fois, les niveaux de formation requis pour exercer les fonctions de coach et/ou mentor, et la mise à jour des certifications délivrées avec des règles précises en matière de supervision, conduite, de préférence, par des acteurs externes à l’organisation pour éviter tout conflits d’intérêts !

[1] Trust and safety in coaching supervision, Some evidence that we are doing it right, Erik de Haan, April 2016