The Bridge : retour d’expérience

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Nul doute que la traversée du Queen Mary II fin juin entre St Nazaire et New York a fait l’objet d’un suivi médiatique très fort et qu’il a suscité l’intérêt des acteurs de la presse mais aussi de l’évènementiel. Le créateur et organisateur de The Bridge, Damien GRIMONT, en a résumé ainsi les grandes lignes le 8 juillet : « THE BRIDGE, c’est également un événement composite, porté par la volonté de jeter des passerelles entre les univers et qui répond à la logique qu’ « un plus un égale trois ». Nous avons réuni le basket, la voile, la musique et l’Histoire avec le Centenaire du débarquement américain de 1917, autour du Queen Mary 2. » Nous pouvons ajouter à son propos que cette triple dimension sportive, historique et culturelle a aussi créé les conditions d’une rencontre entre acteurs du monde de l’entreprise favorisant un véritable espace de réflexion sur les conditions du travail dans le monde de demain. Décryptage.

Qu’est-ce qu’un événement composite ?

La communication événementielle est une technique de communication basée sur la création d’un ou plusieurs événements sortant de l’ordinaire et à l’occasion desquels un public cible est généralement convié. Elle repose donc sur la promotion d’un produit ou service particulier. Dans le cadre de The Bridge, le projet a été pensé selon une approche multi catégorielle. Le point de départ était un évènement historique dont il s’agissait de faire mémoire. Mais rapidement les organisateurs ont greffé autour des sujets d’intérêt actuels susceptibles d’attirer du monde : le sport, la culture et le monde de l’entreprise. Il est rare, voire inédit de réussir à obtenir une telle convergence d’éléments médiatiques.

Le succès de l’opération a été rendu possible ensuite par la coopération d’acteurs clés dans chacun des domaines concernés : l’armateur CUNARD qui a accepté en saison haute de mettre à disposition son paquebot phare pour l’évènement, des navigateurs de renom (François GABART, Thomas COVILLE, Francis JOYON, Yves LE BLEVEC) qui ont relevé le défi d’une course transatlantique, la Fédération Française de Basket et la ville de Nantes qui se sont associées à l’événement en organisant des championnats mondiaux de basket à trois sur 4 jours.

Mais les bénéficiaires directs de cette opération sont incontestablement les membres du Club des 100 qui ont été les témoins d’un évènement spectaculaire mais surtout qui ont, au cours de la traversée, pu être les acteurs privilégiés d’une réflexion approfondie sur les conditions d’exercice de la responsabilité managériale dans le monde de demain. 4 versants d’un exercice atypique de prospective ont été abordés : la géopolitique, le réchauffement climatique, la techno science et le rapport à soi et aux autres. Ce que nous pouvons en retenir du point de vue du management se résume en trois points :

Accompagner un changement de civilisation

Le monde de demain verra un renforcement des sources de conflits potentiels du fait de l’augmentation de la population mondiale et de la raréfaction des ressources naturelles. A titre d’exemple, citons un rapporte de la Banque Mondiale qui a récemment alerté sur les conséquences en termes de prélèvement en métaux qui seront nécessaires pour accompagner la transition énergétique. Le rapport montre clairement que la composition des technologies supposées alimenter le passage à une énergie propre – éolien, solaire, hydrogène et systèmes électriques – nécessite en fait significativement PLUS [sic] de ressources que les ­systèmes d’alimentation en énergie traditionnels », écrivent les auteurs qui se sont penchés sur trois grandes technologies renouvelables : l’éolien, le solaire et les batteries de stockage d’énergie (1).

 L’emballement de l’histoire et l’installation d’un ethos de post-modernité nous conduit à qualifier notre époque comme étant celle d’un changement de civilisation. Le mot clé sera la résilience ou la capacité à s’adapter au nouvel environnement que nous allons connaître. Le management n’échappera pas à cette remise en question. En particulier dans sa capacité à repenser les structures et outils du pouvoir et en favorisant le dialogue et la co construction. L’enjeu pour le manager sera son humilité et sa capacité à établir avec des personnes différentes de la réciprocité.

Évaluer l’impact de la technoscience sur nos libertés

La transformation du rapport à soi et aux autres du fait de la technoscience va être immense. Nous avons eu l’habitude de penser notre rapport aux machines selon la modalité maître-esclave qui nous donne le sentiment du contrôle absolu sur le résultat final du travail réalisé par la machine. Avec les objets connectés par exemple, une transformation profonde et à notre insu du rapport à la technologie s’instaure. Nous allons être de plus en plus entourés d’objets qui recueillent des informations sur nos habitudes, nos réactions, nos comportements. En utilisant toujours plus ces objets connectés, nous allons devenir tributaires de choix et d’orientations qui nous seront de plus en plus imposés. Comment allons-nous réagir ? Quelles stratégies de défense pourrons-nous mettre en place si nous voulons préserver une marge de latitude décisionnelle ? Sur le plan managérial, c’est l’autonomie de la personne qui est en question et la gestion de son emploi du temps. Il est urgent de réfléchir aux conditions d’exercice de la responsabilité managériale qui respectent les principes d’autonomie et de libre arbitre de la personne. Lire à ce sujet l’excellent ouvrage du psychiatre et psychanalyste Serge TISSERON « Le jour où mon robot m’aimera » (Albin Michel,2015).

Se préparer à l’advenir

« L’avenir ne se prévoit pas : il se prépare » : la célèbre phrase du philosophe Maurice BLONDEL nous conduit à nous poser 5 questions en management de soi pour préparer cet avenir.

Première question : qui suis-je ? C’est le préalable à toute réflexion sur l’avenir. On pourra reprendre avantageusement l’image de l’arbre. Les racines sont l’ensemble de nos compétences acquises dans notre passé (notre histoire). Le tronc est le corpus de nos savoirs, savoir-faire et savoir-être que nous déployons dans le présent. Les branches et les feuilles constituent le champ de valorisation de tous nos savoirs qui nous reste à valoriser.

Deuxième question : que peut-il raisonnablement m’advenir ? C’est l’inventaire des opportunités et risques que nous connaissons. Cette question nous invite à être préactif, c’est-à-dire à prendre du temps pour évaluer les risques et valider les opportunités.

Troisième question : que puis-je faire ? Dans le temps qui m’est imparti et compte-tenu des moyens dont je dispose quel est mon volant d’action, quelle est ma marge de manœuvre ?

Quatrième question : que vais-je faire ? C’est le moment du choix, de l’orientation décisive. C’est le kaïros où nous pouvons être proactif et audacieux.

Cinquième question : comment le faire ? C’est le temps de la réflexion stratégique qui vise à maximiser les chances de succès de nos projets.

En débarquant à New York le 1er juillet, chacun porte en lui-même ces 5 questions fondamentales qui peuvent se résumer en une seule : « Et maintenant on fait quoi ? ». Pour tous ceux qui ont été les témoins privilégiés de cet évènement, cette question n’est pas à prendre à la légère. Elle renvoie à la responsabilité individuelle de celui ou celle qui, ayant beaucoup reçu, se doit de prendre sa part dans l’immense tâche qui vise à préparer le monde de demain : un monde vivable c’est-à-dire qui donne la primauté au vivant sous toutes ses formes. Il nous faudra du courage et de l’audace à l’image de ce que nous a démontré toute l’équipe organisatrice de The Bridge 2017.

(1) En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/030454538803-metaux-les-besoins-colossaux-de-la-transition-energetique-2103122.php#tvGUxWqy6OLD01gs.99

 

The Bridge : this is it !

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Nous sommes à J-7 de l’embarquement et du départ de cette course folle entre 4 trimarans ultimes (ACTUAL, IDEC SPORT, MACIF, SODEBO), véritables bêtes de course des océans et le Queen Mary II, célèbre paquebot de la Cunard jaugeant 145 000 tonneaux (345 mètres de long) et pouvant accueillir jusqu’à 3000 passagers à bord.

Mais l’évènement à Nantes vendredi 16 juin, c’était l’ouverture de la 4e coupe du monde de basket à 3.  Rappelons que le basket-ball dans sa forme traditionnelle se joue à 5 sur un terrain de 28 sur 15 mètres et avec 2 paniers suspendus à 3,05 mètre de hauteur. Le basket en version 3×3 a été lancé en 2011 et se joue sur un demi-terrain par parties de 10’ ou bien dès qu’une équipe atteint 21 points. En cas d’égalité après 10 minutes, le vainqueur est la première équipe à marquer deux points.

Le jeu démarre quand l’équipe en défense donne la balle à l’équipe offensive derrière l’arc. L’enjeu est de pouvoir garder le ballon et marquer sans faire de fautes. L’intelligence collective du jeu réside donc dans la capacité des équipes à alterner cette posture offensive et défensive de manière fluide.

En management nous alternons aussi les positions offensives et défensives selon les situations qui se présentent ; nous sommes à l’offensive lorsque nous constituons l’équipe et que nous cherchons à lui donner une unité, une cohésion. Notre management est directif, nous sommes au « contact » pour susciter l’intérêt et l’engagement. Nous sommes encore à l’offensive lorsque nous conduisons un processus de changement par l’introduction de nouveaux outils ou la redéfinition d’un objectif.

La posture défensive correspond aux moments de crise où l’on est face à l’imprévu: une communication mal reçue ou une incompréhension qui génère un moment de tension. Selon notre type psychologique, nous sommes plus ou moins bien armés pour gérer ces moments. La connaissance de soi nous aidera à savoir doser l’énergie que nous devrons engager. Le bon manager est celui qui, en défensive, sait passer le ballon à son coéquipier pour avoir un instant de répit et se préparer à l’étape suivante.

Le Bridge 2017 est un pari qui s’inscrit dans une stratégie résolument offensive : celui de rassembler entrepreneurs et professionnels pour réfléchir à ce qui se passe dans notre éco système actuel et dégager les nouvelles lignes de forces du projet d’entreprises.

Mais pour l’heure, ici sur l’île aux machines du port de Nantes, c’est place au basket et au challenge des tenants des titres mondiaux 2016 masculin et féminin. Vous ne devinerez d’ailleurs jamais quel pays est le détenteur dans la catégorie équipe masculine : il s’agit du Quatar !

À suivre.

Jean-Christophe Normand                                                                                                             RH-INC au service des intelligences multiples

L’évènement The Bridge est à J-30

L’entreprise de demain ? Quelles formes d’organisation ?   Quels types d’acteurs et avec quelles finalités ?

Autant de questions pour lesquelles, que nous mettions le curseur à 3, 5 ou 15 ans, la recherche de réponses se révèle être d’une difficulté consternante. La question n’est pas de savoir s’il y aura encore du travail pour tous. Elle est de donner un visage aux organisations humaines qui rendront la collaboration encore possible dans un environnement dominé demain par l’intelligence artificielle.

Prospective à horizon 2030

L’ICF tenait le 13 mai dernier son forum du printemps sur « l’avenir du travail et les grandes évolutions du monde professionnel d’ici 2030 ». Nous étions en plein dans le sujet qui alimentera les discussions entre entrepreneurs et dirigeants à bord du Queen Mary II qui embarqueront à partir du 23 juin, dans le cadre d’un évènement unique : The Bridge 2017

 

Voici des extraits de quelques points de vue saillants.

 

Le point de vue du philosophe

Pour le philosophe André COMTE-SPONVILLE, le changement ne peut se penser que par rapport à quelque chose qui reste soi-même. Ce qui revient à dire que le travail a été, est et restera toujours pareil à lui-même : une activité intrinsèquement pénible (au sens source de fatigue physique et/ou psychique) et dont la baisse régulière du temps consacré peut être logiquement considérée comme une bonne chose. Comme le soulignait déjà Aristote, le travail tend au repos et non l’inverse. Moins de travail, c’est plus de temps pour les loisirs, la culture, l’éducation. Mais cela reste vrai à une condition essentielle : que la réduction correspondante ne remette pas en cause le niveau de vie. Ou, en d’autres termes que la productivité horaire permette à minima de produire la même richesse. Or, les inégalités socio-économiques croissantes que nous observons, montre que ce lien n’est pas automatique et que des pans entiers de population ont certes, beaucoup de temps libre, mais pas de revenus en face pour vivre normalement. Première difficulté : comment à minima maintenir le niveau de richesses produites aujourd’hui dans un contexte de pression démographique qui va se maintenir au moins pour 30 ans encore. Une éternité à notre niveau.

La crainte des économistes

Certains économistes expriment la crainte généralisée d’une fin du travail avec une logique de substitution de main d’œuvre par des outils numériques intelligents. Ce n’est pas le cas de l’économiste et fondateur d’un cabinet de prospectives économiques et financières,  Pierre SABATIER, qui remarque que les pays les plus robotisés (Allemagne et Japon) ont des taux de chômage bien inférieurs à la France. Il y a bien effet de substitution par création de nouveaux métiers et services mais il souligne que les emplois qui restent sont, ou bien très chers (experts), ou bien à des salaires très bas (services à faible valeur marchande vs haute valeur sociale). D’où l’émergence de tensions et de conflits structurels entre ceux qui empochent tout (« Winner takes it all ») et ceux qui survivent (« losers »). C’est le deuxième accroc dans la pensée du travail de demain.

La rupture technologique

Le bouleversement technologique est le 3e axe de la réflexion. Il faut écouter des experts en innovation comme, Nils AZIOSMANOFF fondateur du Centre de création numérique le Cube, pour prendre la mesure de l’accélération prodigieuse des progrès de la technoscience. Nous allons à toute vitesse vers des machines autonomes, emphatiques, auto conscientes et auto apprenantes. Vouloir rivaliser avec de telles puissances de calcul est perdu d’avance, sauf à se transformer soi-même en cyborg en suivant les rêves les plus fous des transhumanistes. Ce serait alors la fin de l’humanité telle que nous la connaissons (6e extinction de masse ?).

Toujours plus d’incertitudes

Nous comprenons en définitive que, si chacun tente à sa manière de donner un éclairage sur la question du lien au travail qui prévaudra à l’avenir, personne n’est en mesure d’en dresser un portrait clair. Et c’est sans doute une bonne chose. Rien de plus dangereux que des certitudes absolues. En réalité, nous prenons conscience que nous allons devoir forger une nouvelle représentation de notre rapport aux autres. Un monde où nous travaillerons dans le « tous pour tous » (Pascale LUCIANI, PDG de NEOXPECTIVE et membre du Conseil National du Numérique), selon un « altruisme rationnel » (Jacques ATTALI) qui réinvente en permanence la spécificité de l’humain. Nous mesurons bien la complexité, le flou de ces concepts. Il va nous falloir un beau mélange de pragmatisme, d’audace, d’agilité et la créativité car les solutions de demain ne sont pas encore pensées. Bonne nouvelle : nous prenons le grand large à bord du QM II pour en débattre bientôt. Rendez-vous au lounge !