Passer de la coopération en équipe à la collaboration de l’organisation

20160613_173432

La modélisation et l’apprentissage de nouvelles pratiques managériales conduisent à explorer sans cesse de nouvelles manières de penser la relation au travail. Cet effort est rendu nécessaire par la complexification croissante des organisations et de leurs environnements de telle sorte qu’il n’est plus possible de vouloir fixer une fois pour toute les comportements attendus des managers selon un modèle d’organisation donné. Avec l’apport des outils des NTIC qui ouvrent de nouveaux champs de travail en réseaux, cette problématique est encore accentuée. Finalement, c’est toute la question de la forme du travail en équipe qui est réinterrogée.

 

Dans sa forme la plus élaborée, le travail en équipe fait appel à deux composantes importantes : la capacité à coopérer et à se coordonner. Mais, si les deux compétences sont engagées, est-ce suffisant pour pouvoir affirmer que l’équipe fonctionne bien dans le sens d’une réelle collaboration entre ses acteurs ?

L’étymologie latine des trois notions permet de mieux distinguer leurs spécificités propres.

« Coopération » est composé de « co » (ensemble) et « operator » (produire, effectuer). « Coordination » est l’association des mots « co » (ensemble) et « ordinare » (mettre en ordre, ranger). « Collaboration » se décompose en « cum » (avec), « laborare » (travailler), suivis du suffixe lexical « ation ». Nous comprenons ainsi qu’il y a une spécificité propre à chaque terme. Coopérer consiste à se réunir ensemble en vue d’une action déterminée. Nous retrouvons là un des éléments structurants définissant l’équipe.  La coordination est une autre compétence qui repose sur des qualités d’observation et de répartition des tâches. La collaboration se différencie des deux par le fait qu’elle ne fait pas référence à l’action mais au processus de réalisation collective du travail. Il y a donc une forme de gradualité, selon laquelle coopération et coordination seraient des étapes préliminaires et nécessaires à l’émergence de la collaboration.

 

Klara Kövesi, docteure en sciences de gestion et enseignante en management des organisations, de l’innovation et le marketing des nouvelles technologies à l’ENSTA Bretagne, apporte dans sa contribution à une publication récente sur la problématique de la modélisation des activités managériales dans des outils de formation (serious game)[1], un éclairage pertinent sur l’originalité de la dimension collaborative du travail. Elle reprend l’approche de Jean Heutte[2] qui différencie coopération et collaboration en relevant trois composantes[3] :

–       L’influence de chaque membre de l’équipe sur la définition et le déroulement des actions

–       La manière avec laquelle ils assument leur responsabilité par rapport à l’objectif commun

–       La qualité de la relation interpersonnelle.

Le processus ainsi décrit indique une progression dans la maturité de l’équipe. Si l’organisation du travail en équipe est souvent bien formalisée et partagée (selon une logique permettant la rationalisation et la bonne attribution des tâches), il n’est pas rare que les acteurs manquent de visibilité et d’influence sur les tâches des autres membres de l’équipe. Or cette situation restreint l’implication et la motivation personnelle. Les tâches se juxtaposent mais ne se croisent pas. La hiérarchisation et la division fixe du travail empêchent l’élargissement des contributions individuelles à la dynamique de l’engagement en commun. La responsabilité assumée en processus coopératif suit cette logique de division du travail et ne permet pas une vue d’ensemble, c’est-à-dire cet engagement mutuel recherché. Enfin la communication est souvent a-synchronisée et fragilisée par la gestion des conflits.

 

On constate ainsi qu’une organisation du travail selon un mode collaboratif, présuppose une nouvelle forme de partage des compétences (mutualisation) et de nouveaux apprentissages sur le plan relationnel (relation égalitaire, primauté à la compétence, self manage). L’acquisition de ses compétences ne va pas de soi et l’efficacité globale de la collaboration des équipes n’est pas toujours lisible sans l’aide du regard externe d’un coach qui saura interroger les pratiques pour aider l’équipe à mesurer les résultats obtenus. En aidant l’équipe à professionnaliser sa méthode de travail, le coach renforce la confiance qu’elle a en elle-même et donc la motivation et l’engagement mutuel des membres. Dès lors, le résultat de cette équipe n’est plus la somme de compétences ou du travail individuel de ses membres, mais la valeur ajoutée résultant de l’intelligence collective mise au service du projet. La pratique du travail collaboratif débouche ainsi sur une logique de réciprocité vertueuse : plus l’individu collabore au sein de son équipe en vue de l’objectif à atteindre, plus la cohésion et la solidarité entre les membres en sort renforcée, ce qui entretient naturellement la motivation à poursuivre le travail collaboratif. C.Q.F.D.

[1] La modélisation des activités managériales au défi de la formation sous la direction de Emmanuel Cardonal Gil et Denis Lemaître, Ed. L’Harmattan, collection Action et Savoir, 2015
[2] Jean HEUTTE, Université des Sciences et Technologies de Lille -1, Département Sciences de l’éducation
[3] ibid. Chapitre 8, l’apprentissage du travail collaboratif dans un environnement virtuel : pour mieux comprendre les nouvelles pratiques collaboratives, page 203,

7 événements marquants de 2013

En cette fin d’année 2013 et pour rester fidèle à la tonalité résolument positive de ce blog, je suis allé chercher des événements qui m’ont marqué en 2013, soit parce qu’ils ouvraient sur des perspectives nouvelles soit parce qu’il s’agissait de beau exemple d’engagements.

Sans ordre prédéfini, je vous propose donc 7 repères. À vous de faire votre propre choix !

ANIM

1) L’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013

Cet accord ouvre un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés. Il reste à mettre en oeuvre certes mais il est intéressant parce qu’il met l’accent sur la pérennisation de l’emploi par une meilleure articulation entre gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et formation. S’il renforce certains droits de salariés (portabilité des droits à l’assurance-chômage, généralisation du bénéfice de complémentaire santé), il valorise la flexibilité comme option préférentielle pour la sécurité de l’emploi. Le corollaire de cette option est l’invitation salutaire à la responsabilisation de chacun dans la conduite de son parcours professionnel (l’accord contient de nouvelles initiatives comme le renforcement de la préparation opérationnelle à l’emploi (POE) ou le droit à un conseil en évolution professionnelle). Grâce à l’accord, une forme de maturité dans les relations contractuelles est ainsi introduite : le principe de la mobilité est inscrit comme un élément normal de tout parcours professionnel avec pour conséquence que le refus est désormais assimilable à une cause réelle et sérieuse de licenciement. Pour en savoir plus sur l’accord lire par exemple l’article suivant en cliquant ici.

275px-Pope_Francis_in_March_2013

2) L’élection du pape François le 13 mars au soir.

Cette élection survenue dans le contexte de la démission surprise de Benoit XVI fin février est une rupture. Benoit XVI a été le premier pape depuis le 13e siècle à renoncer librement au siège de Pierre ; François est le premier pape issu des rangs de la Compagnie de Jésus, le premier pape non européen depuis le pape syrien Grégoire III au 8e siècle ainsi que le premier issu du continent américain. Il est également le premier pape à prendre le nom de François, nom choisi en mémoire de l’engagement de saint François d’Assise dans le combat pour les pauvres et pour la paix.

Le nouveau pape a choisi de donner tout de suite une tonalité d’humilité à l’exercice de sa responsabilité papale : il n’a pas souhaité occuper les 300 m² des appartements pontificaux mais demeure dans la résidence Sainte Marthe proche de la basilique Saint-Pierre pour préserver sa proximité avec les autres membres du clergé. Étonnant souci de rester au plus près du réel de la vie quotidienne. Ensuite, vient le principe de la collégialité ; un mois après son élection, il créé un collège de 8 cardinaux (2 sud-américains, un indien, un australien, deux européens, un nord-américain et un africain) pour rénover le gouvernement de l’Église. Bel exemple d’ouverture à l’altérité que la nomination de ce conseil de « huit sages » avec une feuille de route bien précise.
Enfin, en bon pasteur, il a donné lors des Journées Mondiales de la Jeunesse au Brésil à l’occasion de sa visite au sanctuaire marial d’Aparecida le 27 juillet, sa vision de la mission de l’Église pour le 21e siècle. Il veut mobiliser en vue d’une Église qui soit capable de se réinventer dans le sens de plus de simplicité, une Église qui ne s’appuie pas d’abord sur la richesse de ses ressources mais sur la créativité de l’amour. En clair, le modèle hérité du passé doit être retravaillé avec le souci de rejoindre les hommes et les femmes de notre temps sans dénaturer pour autant le message de salut des Évangiles.  En résumé humilité, collégialité et vision, trois vertus que nous pouvons reprendre à bon compte pour l’exercice de nos responsabilités managériales.

3) L’évitement de  la spirale de la guerre en Syrie en septembre

Syrie

Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté en septembre une résolution ordonnant la destruction de l’arsenal chimique syrien d’ici à la mi-2014. Ce texte avait été adopté dans la foulée d’un accord russo-américain sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien, qui avait écarté in extremis la menace d’une frappe franco-américaine, brandie après une attaque chimique meurtrière imputée au régime le 21 août près de Damas. Étonnement, le gouvernement syrien qui offrait l’image d’un régime refusant toute forme de négociations, a accepté de remettre tout son armement chimique à l’ONU pour destruction et le processus se poursuit aujourd’hui avec la mise en place d’une organisation internationale pour le transport des armes. Nous avons là un bel exemple de coopération, notamment entre russes et américains permettant d’éviter une spirale meurtrière dans un conflit grave au Moyen Orient. Même si beaucoup de questions demeurent encore non résolues, nous avons sans doute échappé là à un processus de généralisation du conflit. Pour savoir où en est le processus , cliquez ici.

4) Le dernier film de Peter Jackson « la désolation de Smaug »

Pour ceux qui ne sont pas rentrés dans la magie de l’univers de J.R.R. Tolkein, célèbre auteur de la trilogie du »Seigneur des anneaux », la dernière œuvre cinématographique de Peter Jackson contient une scène de négociation et de courage incomparable.

images smaug et BilboLe héros incarné par un être imaginaire (Bilbo Baggins, le hobbit) est accompagné par une équipe de nains dans une aventure qui rappelle les archétypes mythiques relatifs à l’initiation et au passage à l’âge adulte. Dans le registre des épreuves qu’il rencontre, Bilbo est confronté à un terrible dragon nommé Smaug auquel il doit réussir à dérober une pierre magique. Le dragon s’étant réveillé de son sommeil, il s’en suit un dialogue où toutes les qualités du hobbit seront mises à l’épreuve pour triompher de la terrible puissance du dragon. La clé de la réussite de cette scène tient à la fois dans la manière avec laquelle les deux personnages s’observent, se poursuivent et se répondent du tac au tac en jouant chacun sur le point faible de son adversaire : la peur pour le hobbit et l’orgueil pour le dragon. Un film dont nous pouvons peut-être tirer des ressources pour les enjeux auxquels nous auront à faire face en 2014 ! Voir la bande annonce du film en cliquant ici.

5) Un témoignage de courage et de responsabilité pleinement assumée.

Connaissez-vous Naoto Matsumura ? Naoto est un agriculteur qui a eu la malchance d’avoir une exploitation agricole située dans la zone des 20 kilomètres autour de la centrale de Fukushima. Rapidement après le tsunami, la zone a été évacuée et abandonnée de toute présence humaine. Toute ? Pas tout à fait car cet homme extraordinaire est revenu sur sa ferme un mois après le drame et, en voyant ses bêtes affamées et livrées à elles-mêmes, il a décidé, malgré le niveau très dangereux de radioactivité, de rester sur place pour s’en occuper. Naoto Matsumura nous donne un témoignage très fort comme « veilleur d’humanité » (l’expression est du philosophe suisse Michel Maxime Egger) : voilà quelqu’un qui a choisi d’assumer pleinement la situation catastrophique engendrée par l’accident de la centrale en veillant sur le petit bout de terre dont il se considère comme « responsable ». Il exprime ainsi sa solidarité profonde avec cette terre qui l’a nourri. Allez écouter son témoignage très émouvant dans le cadre de ce reportage réalisé en 2012 en japonais mais avec sous-titrage. Voir la vidéo en cliquant ici.

6) Comment la société civile vient au secours de l’impuissance politique.

Il est de bon ton de nous plaindre de l’incapacité de nos hommes politiques à être de vrais acteurs du changement. La société civile peut-elle alors être un relais pouvant changer durablement les choses sur le terrain ? Oui si l’on considère l’exemple du Centre d’Arbitrage de Jérusalem (JAC).  Visant à stimuler le commerce entre Israéliens et Palestiniens de Cisjordanie qui représente actuellement trois milliards de dollars, ce centre a été créé par Oren Shachor, un ancien négociateur de paix israélien, et Mounib al Masri, un milliardaire palestinien. Il doit permettre de proposer des solutions aux milliers de cas bloqués pour des raisons de sécurité et de politique et favoriser le développement des liens économiques. C’est une avocate parisienne Nadia Darwazeh qui en a été nommée secrétaire générale. Interrogée par les Echos en novembre, elle précise, qu’à sa connaissance, « il n’existe pas de centre d’arbitrage de ce type dans aucune autre zone de conflit à l’échelle mondiale ». Le pari sous-jaçent de ce projet porté par des idéalistes, est qu’en encourageant le commerce israélo-palestinien, l’outil ait des retombées au niveau politique. On ne peut que souhaiter toutes les chances de succès à ce beau projet. En savoir plus sur Nadia Darwazeh et le Centre d’Arbitrage de Jérusalem en cliquant ici.

7) Une touche de beauté pour conclure. Parmi la série de vidéos que choisit mon ami Minter Dial pour sa lettre hebdomadaire (accessible en s’inscrivant sur http://www.themyndset.com), cette vidéo sur les oiseaux du Paradis m’a vraiment touché.

bird of paradise

Elle nous rappelle cette injonction à découvrir la beauté intrinsèque de la création. Les réalisateurs de la vidéo posent la question du pourquoi de l’existence d’une telle beauté manifestée au travers des oiseaux filmés. Peut-être que la vraie question est surtout celle de savoir quels gestes cette beauté nous invite à accomplir à notre tour. Voir la vidéo ici.

Belle année 2014 à tous !