Passer de la coopération en équipe à la collaboration de l’organisation

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La modélisation et l’apprentissage de nouvelles pratiques managériales conduisent à explorer sans cesse de nouvelles manières de penser la relation au travail. Cet effort est rendu nécessaire par la complexification croissante des organisations et de leurs environnements de telle sorte qu’il n’est plus possible de vouloir fixer une fois pour toute les comportements attendus des managers selon un modèle d’organisation donné. Avec l’apport des outils des NTIC qui ouvrent de nouveaux champs de travail en réseaux, cette problématique est encore accentuée. Finalement, c’est toute la question de la forme du travail en équipe qui est réinterrogée.

 

Dans sa forme la plus élaborée, le travail en équipe fait appel à deux composantes importantes : la capacité à coopérer et à se coordonner. Mais, si les deux compétences sont engagées, est-ce suffisant pour pouvoir affirmer que l’équipe fonctionne bien dans le sens d’une réelle collaboration entre ses acteurs ?

L’étymologie latine des trois notions permet de mieux distinguer leurs spécificités propres.

« Coopération » est composé de « co » (ensemble) et « operator » (produire, effectuer). « Coordination » est l’association des mots « co » (ensemble) et « ordinare » (mettre en ordre, ranger). « Collaboration » se décompose en « cum » (avec), « laborare » (travailler), suivis du suffixe lexical « ation ». Nous comprenons ainsi qu’il y a une spécificité propre à chaque terme. Coopérer consiste à se réunir ensemble en vue d’une action déterminée. Nous retrouvons là un des éléments structurants définissant l’équipe.  La coordination est une autre compétence qui repose sur des qualités d’observation et de répartition des tâches. La collaboration se différencie des deux par le fait qu’elle ne fait pas référence à l’action mais au processus de réalisation collective du travail. Il y a donc une forme de gradualité, selon laquelle coopération et coordination seraient des étapes préliminaires et nécessaires à l’émergence de la collaboration.

 

Klara Kövesi, docteure en sciences de gestion et enseignante en management des organisations, de l’innovation et le marketing des nouvelles technologies à l’ENSTA Bretagne, apporte dans sa contribution à une publication récente sur la problématique de la modélisation des activités managériales dans des outils de formation (serious game)[1], un éclairage pertinent sur l’originalité de la dimension collaborative du travail. Elle reprend l’approche de Jean Heutte[2] qui différencie coopération et collaboration en relevant trois composantes[3] :

–       L’influence de chaque membre de l’équipe sur la définition et le déroulement des actions

–       La manière avec laquelle ils assument leur responsabilité par rapport à l’objectif commun

–       La qualité de la relation interpersonnelle.

Le processus ainsi décrit indique une progression dans la maturité de l’équipe. Si l’organisation du travail en équipe est souvent bien formalisée et partagée (selon une logique permettant la rationalisation et la bonne attribution des tâches), il n’est pas rare que les acteurs manquent de visibilité et d’influence sur les tâches des autres membres de l’équipe. Or cette situation restreint l’implication et la motivation personnelle. Les tâches se juxtaposent mais ne se croisent pas. La hiérarchisation et la division fixe du travail empêchent l’élargissement des contributions individuelles à la dynamique de l’engagement en commun. La responsabilité assumée en processus coopératif suit cette logique de division du travail et ne permet pas une vue d’ensemble, c’est-à-dire cet engagement mutuel recherché. Enfin la communication est souvent a-synchronisée et fragilisée par la gestion des conflits.

 

On constate ainsi qu’une organisation du travail selon un mode collaboratif, présuppose une nouvelle forme de partage des compétences (mutualisation) et de nouveaux apprentissages sur le plan relationnel (relation égalitaire, primauté à la compétence, self manage). L’acquisition de ses compétences ne va pas de soi et l’efficacité globale de la collaboration des équipes n’est pas toujours lisible sans l’aide du regard externe d’un coach qui saura interroger les pratiques pour aider l’équipe à mesurer les résultats obtenus. En aidant l’équipe à professionnaliser sa méthode de travail, le coach renforce la confiance qu’elle a en elle-même et donc la motivation et l’engagement mutuel des membres. Dès lors, le résultat de cette équipe n’est plus la somme de compétences ou du travail individuel de ses membres, mais la valeur ajoutée résultant de l’intelligence collective mise au service du projet. La pratique du travail collaboratif débouche ainsi sur une logique de réciprocité vertueuse : plus l’individu collabore au sein de son équipe en vue de l’objectif à atteindre, plus la cohésion et la solidarité entre les membres en sort renforcée, ce qui entretient naturellement la motivation à poursuivre le travail collaboratif. C.Q.F.D.

[1] La modélisation des activités managériales au défi de la formation sous la direction de Emmanuel Cardonal Gil et Denis Lemaître, Ed. L’Harmattan, collection Action et Savoir, 2015
[2] Jean HEUTTE, Université des Sciences et Technologies de Lille -1, Département Sciences de l’éducation
[3] ibid. Chapitre 8, l’apprentissage du travail collaboratif dans un environnement virtuel : pour mieux comprendre les nouvelles pratiques collaboratives, page 203,

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