Tempus fugit

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L’annonce il y a peu de la disparition d’un frère diacre, ordonné il y a quatre ans, me rappelle aux réalités de la condition humaine et aux questions que cela peut susciter. Michel était le doyen de notre groupe de diacres ordonnés dans l’archidiocèse de Paris pour l’Église catholique, mais encore jeune retraité. Il avait rapidement pris sa place dans sa paroisse d’accueil, assurant avec calme, fidélité et joie ses missions.

Mais ce n’est pas la question de sa mort en soi qui m’interroge : elle fait partie intégrante de notre existence et nous la comprenons comme l’étape finale ou bien le début d’une nouvelle selon nos croyances.

Ce qui pose question, c’est la manière avec laquelle nous tirons parti du temps que nous avons. En effet, puisque, par définition, nous ne savons « ni l’heure ni le jour » de notre fin de vie terrestre, nous partons du principe que nous avons le temps devant nous. Ce temps est pourtant bien compté. Et, sans tomber dans l’angoisse permanente d’une fatalité qui pourrait survenir à tout moment, nous pouvons avoir le souci de la manière avec laquelle nous l’employons.

Il ne s’agit pas d’ouvrir ici un nouveau débat sur la question de savoir si et comment notre temps est « gaspillé » car l’utilisation que nous en faisons est toujours subjective, c’est-à-dire propre à l’intérêt personnel que nous lui donnons.

Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer de cerner comment nous réussissons à honorer les attentes autour de nous dans nos contextes de vie. En d’autres termes, dans le temps qui nous est imparti, où nous avons constamment des choix à faire sur la manière avec laquelle nous l’employons, quelles postures choisissons nous d’assumer ?

Cette question s’applique sur un plan personnel tout comme dans l’exercice de la responsabilité managériale. Car, c’est une évidence de dire que nous préférons tous mener des activités qui nous plaisent, plutôt que celles qui nous mettent en situation d’inconfort. Nous pouvons même aller plus loin encore en relevant que nous mettre en permanence en situations d’efforts, nous conduirait inévitablement à une forme d’épuisement. Mais, sans aller jusqu’à l’excès du comportement héroïque, reconnaissons que nous sommes régulièrement confrontés à des situations qui font appel à notre courage :  confronter une équipe à ses responsabilités, affronter une crise avec un collaborateur difficile, rendre des comptes sur une gestion hasardeuse, reconnaître des erreurs, … etc. À chaque fois que nous osons aller à rebours de comportements qui contribuent directement ou, le plus souvent, indirectement à fragiliser des relations interpersonnelles, nous ne faisons pas seulement preuve de courage, voire d’audace. Nous choisissons de vivre en vérité en offrant le meilleur de nous même.

Ensuite, reconnaissons qu’il y a des missions que nous ne pouvons pas déléguer. En effet, il y a toujours des sujets qui relèvent, in fine, de notre responsabilité en dernier ressort. Cela commence par le management de soi avec l’attention que nous portons ou non aux besoins élémentaires du corps et de l’esprit. Cela se poursuit avec l’honnêteté vis-à-vis de  l’intrapersonnel, c’est-à-dire le souci que nous avons de garder une vision de soi la plus ajustée possible (ni dévalorisée, ni survalorisée) ; cela touche enfin l’attention que nous accordons à l’équilibre et le bien-fondé  de nos relations interpersonnelles.

Un comportement qui visera à « tenir » ces trois champs, sera vite remarqué et apprécié. Et la question du temps employé ou non à bon escient deviendra totalement obsolète car nous aurons alors l’assurance de répondre intégralement à ce pour quoi nous avons été appelés. Michel a répondu « Me voici » à son ordination et a bien vécu le temps qui lui était encore donné à vivre. Puissions-nous dans nos domaines respectifs, laisser résonner cette exclamation à chaque fois que nous recevrons des appels à agir pour une cause qui nous fera grandir !

7 événements marquants de 2013

En cette fin d’année 2013 et pour rester fidèle à la tonalité résolument positive de ce blog, je suis allé chercher des événements qui m’ont marqué en 2013, soit parce qu’ils ouvraient sur des perspectives nouvelles soit parce qu’il s’agissait de beau exemple d’engagements.

Sans ordre prédéfini, je vous propose donc 7 repères. À vous de faire votre propre choix !

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1) L’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013

Cet accord ouvre un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés. Il reste à mettre en oeuvre certes mais il est intéressant parce qu’il met l’accent sur la pérennisation de l’emploi par une meilleure articulation entre gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et formation. S’il renforce certains droits de salariés (portabilité des droits à l’assurance-chômage, généralisation du bénéfice de complémentaire santé), il valorise la flexibilité comme option préférentielle pour la sécurité de l’emploi. Le corollaire de cette option est l’invitation salutaire à la responsabilisation de chacun dans la conduite de son parcours professionnel (l’accord contient de nouvelles initiatives comme le renforcement de la préparation opérationnelle à l’emploi (POE) ou le droit à un conseil en évolution professionnelle). Grâce à l’accord, une forme de maturité dans les relations contractuelles est ainsi introduite : le principe de la mobilité est inscrit comme un élément normal de tout parcours professionnel avec pour conséquence que le refus est désormais assimilable à une cause réelle et sérieuse de licenciement. Pour en savoir plus sur l’accord lire par exemple l’article suivant en cliquant ici.

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2) L’élection du pape François le 13 mars au soir.

Cette élection survenue dans le contexte de la démission surprise de Benoit XVI fin février est une rupture. Benoit XVI a été le premier pape depuis le 13e siècle à renoncer librement au siège de Pierre ; François est le premier pape issu des rangs de la Compagnie de Jésus, le premier pape non européen depuis le pape syrien Grégoire III au 8e siècle ainsi que le premier issu du continent américain. Il est également le premier pape à prendre le nom de François, nom choisi en mémoire de l’engagement de saint François d’Assise dans le combat pour les pauvres et pour la paix.

Le nouveau pape a choisi de donner tout de suite une tonalité d’humilité à l’exercice de sa responsabilité papale : il n’a pas souhaité occuper les 300 m² des appartements pontificaux mais demeure dans la résidence Sainte Marthe proche de la basilique Saint-Pierre pour préserver sa proximité avec les autres membres du clergé. Étonnant souci de rester au plus près du réel de la vie quotidienne. Ensuite, vient le principe de la collégialité ; un mois après son élection, il créé un collège de 8 cardinaux (2 sud-américains, un indien, un australien, deux européens, un nord-américain et un africain) pour rénover le gouvernement de l’Église. Bel exemple d’ouverture à l’altérité que la nomination de ce conseil de « huit sages » avec une feuille de route bien précise.
Enfin, en bon pasteur, il a donné lors des Journées Mondiales de la Jeunesse au Brésil à l’occasion de sa visite au sanctuaire marial d’Aparecida le 27 juillet, sa vision de la mission de l’Église pour le 21e siècle. Il veut mobiliser en vue d’une Église qui soit capable de se réinventer dans le sens de plus de simplicité, une Église qui ne s’appuie pas d’abord sur la richesse de ses ressources mais sur la créativité de l’amour. En clair, le modèle hérité du passé doit être retravaillé avec le souci de rejoindre les hommes et les femmes de notre temps sans dénaturer pour autant le message de salut des Évangiles.  En résumé humilité, collégialité et vision, trois vertus que nous pouvons reprendre à bon compte pour l’exercice de nos responsabilités managériales.

3) L’évitement de  la spirale de la guerre en Syrie en septembre

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Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté en septembre une résolution ordonnant la destruction de l’arsenal chimique syrien d’ici à la mi-2014. Ce texte avait été adopté dans la foulée d’un accord russo-américain sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien, qui avait écarté in extremis la menace d’une frappe franco-américaine, brandie après une attaque chimique meurtrière imputée au régime le 21 août près de Damas. Étonnement, le gouvernement syrien qui offrait l’image d’un régime refusant toute forme de négociations, a accepté de remettre tout son armement chimique à l’ONU pour destruction et le processus se poursuit aujourd’hui avec la mise en place d’une organisation internationale pour le transport des armes. Nous avons là un bel exemple de coopération, notamment entre russes et américains permettant d’éviter une spirale meurtrière dans un conflit grave au Moyen Orient. Même si beaucoup de questions demeurent encore non résolues, nous avons sans doute échappé là à un processus de généralisation du conflit. Pour savoir où en est le processus , cliquez ici.

4) Le dernier film de Peter Jackson « la désolation de Smaug »

Pour ceux qui ne sont pas rentrés dans la magie de l’univers de J.R.R. Tolkein, célèbre auteur de la trilogie du »Seigneur des anneaux », la dernière œuvre cinématographique de Peter Jackson contient une scène de négociation et de courage incomparable.

images smaug et BilboLe héros incarné par un être imaginaire (Bilbo Baggins, le hobbit) est accompagné par une équipe de nains dans une aventure qui rappelle les archétypes mythiques relatifs à l’initiation et au passage à l’âge adulte. Dans le registre des épreuves qu’il rencontre, Bilbo est confronté à un terrible dragon nommé Smaug auquel il doit réussir à dérober une pierre magique. Le dragon s’étant réveillé de son sommeil, il s’en suit un dialogue où toutes les qualités du hobbit seront mises à l’épreuve pour triompher de la terrible puissance du dragon. La clé de la réussite de cette scène tient à la fois dans la manière avec laquelle les deux personnages s’observent, se poursuivent et se répondent du tac au tac en jouant chacun sur le point faible de son adversaire : la peur pour le hobbit et l’orgueil pour le dragon. Un film dont nous pouvons peut-être tirer des ressources pour les enjeux auxquels nous auront à faire face en 2014 ! Voir la bande annonce du film en cliquant ici.

5) Un témoignage de courage et de responsabilité pleinement assumée.

Connaissez-vous Naoto Matsumura ? Naoto est un agriculteur qui a eu la malchance d’avoir une exploitation agricole située dans la zone des 20 kilomètres autour de la centrale de Fukushima. Rapidement après le tsunami, la zone a été évacuée et abandonnée de toute présence humaine. Toute ? Pas tout à fait car cet homme extraordinaire est revenu sur sa ferme un mois après le drame et, en voyant ses bêtes affamées et livrées à elles-mêmes, il a décidé, malgré le niveau très dangereux de radioactivité, de rester sur place pour s’en occuper. Naoto Matsumura nous donne un témoignage très fort comme « veilleur d’humanité » (l’expression est du philosophe suisse Michel Maxime Egger) : voilà quelqu’un qui a choisi d’assumer pleinement la situation catastrophique engendrée par l’accident de la centrale en veillant sur le petit bout de terre dont il se considère comme « responsable ». Il exprime ainsi sa solidarité profonde avec cette terre qui l’a nourri. Allez écouter son témoignage très émouvant dans le cadre de ce reportage réalisé en 2012 en japonais mais avec sous-titrage. Voir la vidéo en cliquant ici.

6) Comment la société civile vient au secours de l’impuissance politique.

Il est de bon ton de nous plaindre de l’incapacité de nos hommes politiques à être de vrais acteurs du changement. La société civile peut-elle alors être un relais pouvant changer durablement les choses sur le terrain ? Oui si l’on considère l’exemple du Centre d’Arbitrage de Jérusalem (JAC).  Visant à stimuler le commerce entre Israéliens et Palestiniens de Cisjordanie qui représente actuellement trois milliards de dollars, ce centre a été créé par Oren Shachor, un ancien négociateur de paix israélien, et Mounib al Masri, un milliardaire palestinien. Il doit permettre de proposer des solutions aux milliers de cas bloqués pour des raisons de sécurité et de politique et favoriser le développement des liens économiques. C’est une avocate parisienne Nadia Darwazeh qui en a été nommée secrétaire générale. Interrogée par les Echos en novembre, elle précise, qu’à sa connaissance, « il n’existe pas de centre d’arbitrage de ce type dans aucune autre zone de conflit à l’échelle mondiale ». Le pari sous-jaçent de ce projet porté par des idéalistes, est qu’en encourageant le commerce israélo-palestinien, l’outil ait des retombées au niveau politique. On ne peut que souhaiter toutes les chances de succès à ce beau projet. En savoir plus sur Nadia Darwazeh et le Centre d’Arbitrage de Jérusalem en cliquant ici.

7) Une touche de beauté pour conclure. Parmi la série de vidéos que choisit mon ami Minter Dial pour sa lettre hebdomadaire (accessible en s’inscrivant sur http://www.themyndset.com), cette vidéo sur les oiseaux du Paradis m’a vraiment touché.

bird of paradise

Elle nous rappelle cette injonction à découvrir la beauté intrinsèque de la création. Les réalisateurs de la vidéo posent la question du pourquoi de l’existence d’une telle beauté manifestée au travers des oiseaux filmés. Peut-être que la vraie question est surtout celle de savoir quels gestes cette beauté nous invite à accomplir à notre tour. Voir la vidéo ici.

Belle année 2014 à tous !

Le Vendée Globe, modèle de travail en équipe

Vendredi 22 février à 14h36 précisément, Alessandro de Benedetto sur TEAM PLASTIC était le dernier concurrent du Vendée Globe à franchir la ligne d’arrivée après une course de 104 jours 2 heures et 34 minutes. Entre le premier, François Gabart sur MACIF, et Alessandro il y aura eu 26 jours d’écart pour une course de plus de 27 000 milles nautiques.

Tous ceux qui ont pratiqué un peu la voile savent à quel point la mer peut être un défi et un danger pour l’homme. C’est la raison pour laquelle la performance de ces marins en solitaire qui affrontent les 3 grands océans pendant trois mois est tout simplement incroyable. Il faut s’imaginer vivre pendant plus de 12 semaines dans moins de 6m² le plus souvent dans une humidité et un froid extrême et avec un risque permanent de collision, chavirage ou démâtage. Sur les 20 concurrents au départ, 9 ont déclaré forfait, dont 2 suite à collision, 1 pour démâtage, 2 pour perte de quille dont un ayant entraîné le chavirage.

À chaque franchissement de la ligne d’arrivée par les 11 finalistes, les mêmes scènes fortement émotionnelles se sont répétées : accueil en mer quelques milles avant le passage de la bouée d’arrivée par une flotille de petits bateaux, remontée du chenal sous les vivats d’une foule omniprésente (plus de 200 000 personnes pour l’arrivée de François Gabart le 27 janvier) et célébration du héros au ponton officiel. Il y a quelque chose de l’ordre du retour à la vie pour ces marins qui, bien que n’étant jamais coupés du monde du fait des technologies modernes de communication, émergent de l’horizon en vainqueur des éléments déchaînés.

Ce qui nous intéresse ici, au-delà de la passion légitime que l’on peut éprouver pour une course au large, ce sont les vraies valeurs humaines dont témoignent ces marins : courage, audace, ténacité, solidarité, humilité. Au fil des semaines en mer et grâce aux vidéos embarquées qui retransmettent régulièrement des images de leur vie à bord, ils nous dévoilent toute leur humanité sans pudeur. Face à l’océan, l’homme est bien peu de choses et même si la technologie des bateaux de course a beaucoup progressé, les risques restent considérables. D’où l’importance vitale de l’entraînement et de la formation du skipper mais aussi de la qualité de son équipe d’accompagnement. Pour le navigateur Jean-Pierre Dick (Paprec Virbac 3) par exemple, il y a  12 personnes composées de techniciens spécialistes (voiles, gréements, matériaux, électronique, mécanique et hydraulique, médical et sportif) et d’une équipe à terre qui assure la coordination de la gestion et de la communication des projets. La force de telles équipes est multifactorielle : charisme du navigateur mais aussi du directeur général qui est le patron à terre, définition d’objectifs annuels très précis, répartition de compétences bien identifiées, valeurs partagées autour de l’idéal sportif. Comme toute entreprise, ces équipes doivent gérer des coûts, communiquer sur leurs résultats et prendre les bonnes décisions. Dans le cas de Paprec Virbac 3, une situation de crise est apparue le 22 janvier lorsque le bateau a subitement perdu sa quille à plus de 2500 milles nautiques de l’arrivée. Grâce à des techniques de lest, le bateau a pu être maintenu à flot mais au prix de décisions très délicates en matière de navigation, un mauvais coup de vent pouvant être fatal. C’est ce qui a conduit le skipper en lien avec son équipe à choisir de se mettre à l’abri au nord de l’Espagne pendant plus de 72 heures et d’abandonner au concurrent suivant (Alex Thomson sur Hugo Boss) sa 3e place, honorant par la même le dicton qui dit : « un bon marin est un marin qui ramène son bateau au port ».

En choisissant de financer des bateaux, les entreprises sponsors savent le poids de telles valeurs pour leurs stratégies de communication interne et externe en RH. Il y a là un capital humain précieux. Car, dans notre contexte économique et social déprimé, nous pourrions nous aussi nous inspirer de la bonne humeur de ces garçons qui nous disent leur amour de la vie et plus encore leur passion pour leur métier. C’est cette passion qui les conduit à se dépasser et à entraîner derrière eux une foule émue et passionnée. Peut-être arriverons-nous, à notre tour, à nous inspirer de leur exemple pour susciter des énergies nouvelles dans nos organisations et (allez savoir ?) transmettre une autre passion, celle de savoir conduire des équipes dans la réalisation de beaux projets d’entreprise. Nous aurions tous beaucoup à y gagner.